Notre Terreur, par le Collectif d’Ores et déjà au Théâtre de la Colline jusqu’au 9 octobre (hier…)
Tartuffe d’après Tartuffe de Molière m en s de Gwénaël Morin au Théâtre de la Bastille jusqu’au 31 octobre.
Comme souvent, face à des spectacles dont la qualité s’impose, je suis bouche bée… (sur mon blog, j’entends) depuis 2 semaines, tournant ma langue dans ma bouche, cherchant à parler de ces deux spectacles.
Et puis, je décide de dire deux mots (seulement…) pour me souvenir de ce qui me semble claire dans ces deux mises en scène, ce qui m’apparaît comme un théâtre juste et intelligent.
Vus chronologiquement (repères historiques inversés pour l’occasion)
Notre Terreur nous plonge au cœur des échanges, des débats de 9 membres du Comité du Salut Public : en réflexion, en interrogations, notamment sur la légitimité de la violence pour promouvoir une idéologie pré-socialiste (un anachronisme que je ne parviens pas à éviter).
Ce qui me frappe, c’est la cohérence entre ce qui se dit sur le plateau (l’élaboration d’une réflexion) et la façon dont cela se joue, comme si tout s’inventait devant les spectateurs : la période historique de la terreur et ses tourments (historiques et individuels) comme une véritable métaphore de la construction théâtrale et de ses préoccupations. Et nous sommes bien au théâtre : tout dans la scénographie astucieuse de Julia Kravtsova le raconte : le public divisé en deux gradins se fait face, le couperet de la guillotine matérialisé par un rideau de velours rouge tiré violemment… et il est bien question de violence, d’urgence : de dire, de faire, de jouer, de se parler et de construire ensemble.
Je me suis parfois sentie en but à un texte compliqué, qui ne me parvenait pas dans toute sa subtilité – clairement, beaucoup de choses m’ont échappé. Néanmoins, tout se passe comme si mon incompréhension théorique de ces éléments s’intégrait avec une efficacité redoutable à l’appréhension globale du spectacle. Finalement loin d’en être frustrée, je me suis sentie appartenir – et non subir – à une réflexion, qui mettait la mienne à l’épreuve ! Et me voilà différente.
Tartuffe, l’histoire donc d’un homme séduit par un faux dévot.
Étonnement, dans cette mise en scène également, j’ai parfois raté du texte, ça allait vite, en alexandrins… Mais là aussi, le sens, l’essentiel me parvenait impeccablement. Là aussi ça joue et ça se parle. Tellement naturellement que je me suis sentie assez perturbée les premiers instants de la représentation. Je reviens sur « naturellement » parce que c’est un terme qui ne m’intéresse pas en règle général et qui surtout ne me raconte rien au théâtre ; alors, je le remplace par évidence – ou simplicité.
Ce que je lis de Gwénaël Morin dans le programme du spectacle m’apparaît tout à fait éclairant (!) sur ce que je vois sur le plateau : il évoque un théâtre qui « met la parole dans la lumière » et son désir de « capter les ombres » de la pièce. J’entends cette expression d’abord au sens figuré : lumière faite sur le texte mais aussi sur les relations entre les personnages qui semble naître d’une essence (une ombre opérant comme un révélateur) de chacun d’eux.
C’est ce travail sur la moelle qui rend inutile la représentation. Et cela me parle de théâtre en tant qu’il est notamment fait de signes, de référents. Une veste ôtée et c’est la nudité, une perruque sur la tête d’un homme et c’est la féminité, une référence au manga et c’est un fils impuissant face à la situation, une écharpe trop longue entrave les pas d’Orgon… De théâtre, jusque dans un décor brut – celui d’une répétition ? Une table, des chaises, un bâton de théâtre pour les 3 coups (un brigadier ?), un carré au sol délimité au gaffeur noir. Seul élément d’un ailleurs : une reproduction du radeau de la Méduse en noir et blanc, comme une ombre du tableau. Par ailleurs, le thème du tableau rejoint celui de la pièce : un naufrage.
Au figuré donc mais également au propre, puisque le jeu sur les lumières gagne le plateau comme dans la scène entre Orgon (qui ordonne le « noir » : pour ne pas voir ?) et Dorine (ordonne la « lumière » : ramener son maître à la raison, faire le jour sur la situation).
La représentation se termine évidemment en pleine lumière face à des comédiens qui regardent le public et « le théâtre veut dire : lieu d’où l’on voit » (Gwénaël Morin)
A ne pas manquer !